J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...

lundi 16 juin 2014

Le Hussard sur le toit ... La maladie, l'amour et le renoncement - Episode 5 et fin


Quelques heures plus tard Pauline s'effondre touchée à son tour par le choléra...



"Elle le regardait d'un air stupide. Avant qu'il crie : "Qu'avez-vous? Pauline!" Elle eut comme un reflet de petit sourire encore charmant et elle tomba, lentement, pliant les genoux, courbant la tête, les bras pendants."


Pauline, le visage déjà déformé par la maladie...

Désormais Angelo est seul, furtivement il repense aux gestes du "petit français", à tous ces corps, désarticulés, cyanosés, violacés, aux yeux révulsés, à tous ces morts souillés par les vomissements ... Il sait ce qu'il doit faire, il sait qu'il n'y a pas une seconde à perdre, il doit ramener Pauline à la vie... Il lui faut la  déshabiller, la frictionner, la réchauffer, il luttera toute la nuit avec une énergie désespérée afin de faire refluer le mal qui la terrasse, il la soignera avec tendresse et acharnement :






"Il tira les bottes de la jeune femme, les jambes étaient déjà raides (...)  les joues s'étaient creusées et palpitaient. Il se mit à frictionner de toutes ses forces les pieds glacés, Il fallait déshabiller Pauline. Il recommença à frictionner. il sentait le froid fuir de ses doigts et monter dans la jambe. Il souleva les jupes. Un main de glace saisit sa main. "J'aime mieux mourir "dit Pauline.(...) Il se débarrassa de la main avec brutalité et arracha les lacets qui nouaient la jupe à la taille (...) Il ne cessait pas de frictionner. (...) Il avait frictionner avec tant de vigueur et si longtemps qu'il était rompu de fatigue et douloureux.





"Il faut lui faire boire du rhum par force" se dit-il (...) Il versa le rhum peu à peu. La déglutition ne se fit pas tout de suite, puis l'alcool disparut comme de l'eau dans le sable.


"La cyanose semblait avoir pris du repos (...) la jeune femme respirait faiblement (...) les gémissements s'étaient tus.(...)Il tira avec précaution la jeune femme le plus près possible du feu. (...) Enfin il eut toute une série de petites pensées très colorées, de lumières très vives dont quelques-unes étaient cocasses et risibles et à bout de force, il reposa sa joue sur ce ventre qui ne tressaillait plus que faiblement, et il s'endormit.

"Une douleur à l'oeil le réveilla ; il vit rouge, ouvrit les yeux. C'était le jour.(...) Une main fraîche toucha sa joue.

"C'est moi qui t'ai couvert, dit une voix. Tu avais froid"
(...) "J'ai dormi, se dit-il, mais à haute voix et d'un ton, lamentable.
-Tu étais à bout de force" dit-elle.
(...) T'es-tu désinfecté? dit soudain la jeune femme.
- Certes, dit Angelo, ne vous inquiétez pas"
(...)"Donne-moi la main" dit Pauline.
Il donna sa main ouverte où la jeune femme mit la sienne.



" Je suis en avance d'une nuit sur la mort dit Angelo, et elle ne m'attrapera pas."

Après avoir pris du repos, Angelo s'en va sur le chemin à la recherche d'une voiture pour transporter Pauline, encore très faible, à Théus.

"On va vous transporter en voiture. Vous serez ce soir à Théus"


Le château de Théus dans le film ( celui de Menthon Saint Bernard en Haute-Savoie)

Le village de Théus dans les Hautes Alpes, domine le lac de Serre-Ponçon
 Il est célèbre pour ses demoiselles coiffées (1)
(le château a aujourd'hui disparu)

"Ils arrivèrent à Théus deux jours après, sur le soir. Le village dominait la vallée profonde de très haut (...) Le château dominait le village. Il y avait de nombreux escaliers pour passer de terrasse en terrasse, toutes rustiques et sans apprêt, pour tout dire fort sévères et qui plurent à Angelo."

A partir de là, deux fins sont possibles, celle du texte de Jean Giono et ... la mienne, avec l'aide de Jean Paul Rappeneau.
Le roman appelle une suite que malheureusement Jean Giono n'a pas écrite, c'est donc à nous lecteurs d'imaginer le futur de ces deux magnifiques personnages. Et quand cela nous arrange, c'est très facile à imaginer...


La fin selon Jean Giono :


Dans les dernières pages de son roman, Jean Giono se soucie peu de Pauline, c'est Angelo qui mène l'histoire vers sa fin. Celui-ci ne rencontre pas l'époux. Il part sans se retourner pour se battre en Italie, il semble apaisé, libre et heureux. Quand à Pauline que devient-elle ??

"Il ne se déroba pas à ses promesses. Il donna son bras à la jeune femme. Le marquis n'était pas ici. On n'en avait aucune nouvelle."

"Un maquignon de Remollon vint présenter en bas des terrasses quatre ou cinq chevaux parmi lesquels se trouvait une bête très fière qu'Angelo acheta d'enthousiasme."

"Chaque soir Pauline mit une robe longue. Son petit visage que la maladie avait rendu plus aigu encore, était lisse et pointu comme un fer de lance et, sous la poudre et les fards, légèrement bleuté. 
- "Comment me trouves-tu? " dit-elle
- "Très belle".

"Le matin du départ, Angelo rendit tout de suite la main au cheval qu'il avait lui-même nourri d'avoine. Il pouvait être fière de cette allure. Il voyait venir vers lui au galop les montagnes roses, si proches qu'il distinguait sur leur flanc bas la montée des mélèzes et des sapins.
"L'Italie est là derrière", se disait-il."Il était au comble du bonheur."

C'est l'accomplissement d'un amour impossible et inévitable, leur relation restera chaste, seul le tutoiement de Pauline nous montre soudain l'intensité de leur amour mais Angelo raccompagne sagement Pauline auprès de son époux Laurent et repart se battre en Italie.

L'autre fin...


Dans le film, c'est Pauline qui mène l'histoire vers sa fin, on espère alors le retour d'Angelo. Un échange épistolaire nous le suggère ... Et nous laisse à penser que Pauline et Angelo se retrouveront plus tard.






Pauline retrouve son époux, celui-ci ne se trompe pas, il a compris bien avant Pauline que si un jour elle décidait de rejoindre Angelo, il ouvrirait sa main et la laisserait partir...(source internet)




Par son côté romantique à souhait, cette fin me convient tout à fait, elle évoque tout en subtilité une suite que Jean Giono aurait pu et aurait dû nous écrire!


Même si je n'apprécie pas et si je ne comprends pas du tout la fin écrite par Jean Giono "Le Hussard sur le toit" reste une grande oeuvre, intense et une belle histoire d'amour, la description très réaliste du choléra et le destin insolite de ces deux êtres faits l'un pour l'autre nous font traverser cette Provence écrasée de soleil et vibrante de chaleur . Ces beaux personnages courageux et dotés d'une belle âme se déplacent dans ce pays rude et sublime touché de plein fouet par la maladie et nous emportent au gré de leurs aventures.

Alors, on peut dire comme je l'ai lu récemment que Jean Giono "fait chanter sa plume !!".

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono

(1)Les demoiselles coiffées de Théus : ce sont des sculptures minérales et un site géologique exceptionnel.

Les demoiselles coiffées de Théus

mercredi 21 mai 2014

Le Hussard sur le toit...la quarantaine et la menace du choléra....Episode 4


Angelo et Pauline reprirent le chemin de Gap...


"Le chemin débouchait à cent pas de l'entrée du village, sur une petite route très bien entretenue où Angelo et la jeune femme égayés de matin se lancèrent au trot allongé." 



"Ils débouchèrent sans pouvoir faire volte face sur une sorte de placette pleine de soldats et transformée en souricière..."
(...) La jeune femme était entourée de cinq ou six dragons qui la retenaient et la masquaient complètement."





(...) "- Nous ne comprenons rien à ce qui arrive, monsieur, dit poliment Angelo.
-" D'où êtes-vous et où allez-vous" ?
- "Nous sommes de Gap, dit la jeune femme et nous rentrons chez nous."
(...) On ne rentre pas chez soi, madame, dit le lieutenant. Il est défendu de voyager. Ceux qui sont sur les routes doivent rejoindre une quarantaine.
- Il vaudrait mieux nous laisser rentrer chez nous, dit doucement mais avec beaucoup de gentillesse la jeune femme (...) 
- conduisez les à Vaumeilh, je n'ai pas à savoir ce qu'il vaudrait mieux."

"Ils débouchèrent sur une vaste esplanade éblouissante de blancheur, devant le portail d'un château fort."



Le fort des têtes à Briançon , les scènes de quarantaine y ont été tournées

"Ils tournèrent dans un autre couloir aussi long que le premier mai éclairé par des fenêtres grillées qui donnaient sur une cour en contrebas."

Désormais Angelo ne pense plus qu'à un chose : l'évasion !


"Or, regardez ces couloirs, Je peux manoeuvrer de façon à n'en avoir jamais que deux en face."
- "Je vous défends de vous battre de cette façon-là", dit gravement la jeune femme.

"Son mince visage en fer de lance avait aux pommettes le rose d'un certain désordre. (...) Angelo en était encore à ce visage soudain bouleversé et à ces lèvres tremblantes.
"Elle est très belle" se disait-il.
L'endroit où ce visage avait eu ces feux était resté en tache blanche dans sa mémoire."


Pauline dans la quarantaine


Angelo et Pauline, escortés par une nonne arpentèrent les couloirs et escaliers de la quarantaine pour atterrir dans une immense salle, Angelo toujours déterminé à organiser leur fuite, resta à l'affût de la moindre occasion. Pauline n'était pas dupe...


"-Soyez tranquille, dit-elle, je vous ai vu examiner la largeur des portes,compter les pas et prendre des points de repère. On ne pouvait pas vous choisir de quarantaine plus excitante. Vous êtes forcé de vous échapper."



" Angelo et la jeune femme restèrent eux aussi interdits au seuil de la grande salle(...) L'éblouissante lumière qui transperçait la quarantaine d'outre en outre, sans rien laisser à l'ombre, exaltait jusqu'au jaune terreux de la paille, faisait luire à la fois le drap fin des redingotes et l'ordure qui les salissait."









" Nous sommes résolus, nous sortirons d'ici à la nuit. Vous n'avez  là, sous les yeux que des gens crasseux et morts de peur qui plastronnent parce que pour eux la révolte est de mauvais goût. Pour moi, non."


Alors Angelo décida qu'il fallait agir, ils cheminèrent dans l'obscurité, d'abord debout faisant sauter des portes avec la poudre, ensuite ils marchèrent à quatre pattes dans des décombres pour déboucher enfin à l'air libre :


" Angelo vit qu'ils venaient de déboucher dans un escalier en tire-bouchon,(...)Quelques détours plus bas ils rencontrèrent le jour, et enfin, ils arrivèrent à une porte qui ouvrait sur le jardin de thym.
Le crépuscule d'automne commençait à tomber. Ils restèrent cachés."


"Enfin, il commença à faire sombre.(...) Angelo courut jusqu'au bord du rempart, se pencha et revint.
Il n'y a que trois ou quatre mètres de hauteur, dit-il. (...) Ils firent un paquet de tout le bagage.
"Je le porterai dit Angelo, il faut faire notre deuil des chevaux."



"Angelo mit le baluchon sur son dos et ils descendirent
 le glacis qui était en pente douce."

"Quatre mètres à sauter, c'est peu somme toute.
Cinq minutes après ils étaient sur le glacis. La jeune femme avait sauté sans faire d'histoire (...) Tout était d'une extrême facilité."


Ils marchèrent six heures à travers bois, se dissimulant à chaque bruit, et enfin s'arrêtèrent pour prendre un peu de repos, Angelo installa Pauline et prit la garde. Au petit matin il prépara le thé et la polenta.



Angelo et Pauline dans la chapelle
(chapelle Saint Claude sur la commune  de Noyers-sur Jabron)

"Le thé était fait et la polenta cuisait sur un feu magnifique quand la jeune femme s'éveilla.
"Ne bougez pas, dit Angelo, vous êtes toujours morte de fatigue"

IL lui donna du thé bouillant très sucré."

 Rassasiés ils reprirent la route non sans avoir repousser la vindicte des villageois alentours, Angelo dût les menacer de son arme pour les faire reculer, le danger et la menace étaient palpables.


"Angelo serrait les crosses des pistolets avec beaucoup de conviction. (...)


"Nous avons quatre coups à tirer et comme vous avez vu, madame sait se servir de ses outils. Après ça, regardez ce que j'ai sous le bras. Il y a là de quoi vous hacher en petits morceaux et au moindre geste, je ne m'en ferais pas faute.(...) Mes pistolets portent parfaitement bien à quinze pas. Vous voilà prévenus."



" La route se promenait sur le plateau, de grandes montagnes couleur de lilas qui avaient été cachées jusque-là sous la lumière, montaient de tous les côtés. La profondeur de lointaines vallées grondait au moindre mouvement d'air."



En chemin ils rencontrèrent un piéton, clarinette solo à l'opéra de Marseille.


"Cet homme avait l'air d'être un habitué de la route.(...) Angelo lui demanda s'il n'avait pas une idée sur la direction qu'il fallait suivre pour aller à Gap.
"J'ai mieux qu'une idée dit-il, j'ai une carte."


Ils avancèrent avec l'homme jusqu'à la tombée de la nuit et se séparèrent :

"D'ailleurs je vais vous quitter. Je ne vais pas à Gap. Et cette route qui est la vôtre me détourne de mon chemin désormais."
Angelo et la jeune femme lui firent des adieux plutôt froids. Il prit par le travers du bois. Il paraissait être à son affaire.

Ils continuèrent la route, Angelo toujours très attentif à sa compagne.

"Je crois que nous avons assez marché pour aujourd'hui, dit Angelo. Je ne vous aurais jamais cru si forte. Mais n'exagérons pas. Il faudra en faire autant demain."
"Je suis fatiguée, en effet, dit-elle. (...) 
"Personne ne peut aller au-delà de sa force physique. Il n'y a pas de quoi avoir honte. Moi-même je suis fatigué."

"Ils quittèrent la route et pénétrèrent dans le sous-bois. (...) Ils choisirent un grand hêtre sur le bord du vallon et ils se mirent à son couvert.


Là, le film ne suit pas  tout a fait le roman
(Pauline et Angelo sont accompagnés du colporteur joué par Jean Yanne)



Le hêtre, vingt années après (été 2013) sur le plateau du Contadour
étrangement, l'arbre est situé à deux pas des lieux de tournage de Crésus 
"Angelo fit le campement au pied du hêtre où la feuillée morte était épaisse et chaude. (...) Puis, bien certain qu'on restait là, se coucha paisiblement sans faire de manières.
"Tâchez de dormir " dit Angelo."


Au petit matin ils reprirent la direction de Théus


"Ils marchèrent par des bois montueux, sous un ciel de plus en couvert qui faisait des gestes menaçants (...) Les nuages avaient fini par se résoudre à une petite pluie fine qui suintait à peine sous les sapins. (...) et à un quart de lieue environ, devant eux la tache rougeâtre d'une clairière et la façade d'une grande maison. (...) Ils coururent, l'averse les rattrapa. 







Le château de Saint Albin de Vaulserre (Isère) a servi de décor au film


"Nous devons pouvoir entrer là-dedans, dit Angelo, faire du feu dans une cheminée et passer la nuit à l'abri"
(...) "Le hall donnait dans l'entrée d'où partait une cage d'escalier bien ronde."(...) Il n'y a qu'à faire du feu dans cette cheminée et rester là."



Dans la cave Angelo trouva du vin, il fit de la polenta et ils burent ensemble




"Il déboucha une bouteille de 'Clairet' et la poussa vers la jeune femme (...) Ils avaient envie d'autre chose que du thé depuis longtemps."






Une certaine ivresse s'empara d'eux, maintenant avec la fatigue et le vin ils se confiaient doucement l'un à l'autre et quand Pauline évoque la maladie, la réponse d'Angelo est immédiate :





"Je voulais dire que nous sommes des compagnons et que nous n'avons rien à craindre l'un de l'autre puisque au contraire nous nous protégeons , nous faisons route ensemble. Nous nous efforçons de ne pas attraper la maladie mais, si vous l'attrapiez, croyez-vous que je foutrais le camp?"



"Vous ne m'êtes pas indifférente du tout . Je vous fais du feu et de la polenta depuis dix jours et, au lieu d'aller à mes propres affaires, je pousse avec vous du côté de Gap..."
- Où je vais, je l'espère retrouver mon mari. Car je l'aime. Ceci non plus n'a pas l'air de vous émouvoir beaucoup.
- C'est tout naturel puisque vous l'avez épousé."
(...) -  Nous avons trop bu, dit la jeune femme. (...) Voulez-vous que nous songions à dormir?
Ils choisirent deux chambres dont les portes se faisaient face..."


Tous les textes en italique de cet article sont extraits de Hussard sur le toit de Jean Giono

lundi 28 avril 2014

Le Hussard sur le toit.. Le bonheur fou d'une rencontre...Épisode 3

"Je suis arrivé dans cette  ville, il y a trois ou quatre jours dit Angelo, j'ai failli être écharpé comme empoisonneur de fontaine... Alors j'ai gagné les toits. C'est là haut dessus que j'ai vécu depuis."

Elle avait écouté sans bouger d'une ligne, cette fois le silence fût un tout petit peu plus long. Puis elle dit :"Vous devez avoir faim, alors ?...Entrez !



"Je suis navré, dit-il.
- De quoi êtes-vous navré ? dit la jeune femme qui était en train d'allumer la mèche d'un petit réchaud à esprit-de-vin.
- Je reconnais que vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier de moi.
- Où voyez-vous que je me méfie, je vous fais du thé."
(...) "Le thé était excellent. A la troisième cuillerée de pain trempé, il ne pensa plus qu'à manger avec voracité et à boire ce liquide bouillant."





Rassasié, Angelo demanda la permission de se réfugier pour la nuit dans le grenier en faisant promesse de l'avoir quitté le lendemain matin à la première heure.





Angelo quitte la ville sans avoir retrouvé Guiseppe, il ne sait pas ce qu'est devenue Pauline, ils n'ont pas quitté Manosque ensemble, pourtant ils se retrouveront bientôt pour faire route à deux, leurs chemins vont se croiser et se défaire sans fin.

Obligés à fuir, les habitants de Manosque se sont réfugiés dans les collines :

" Les collines s'arrondissaient en cirque. Sur les gradins, toute la population de la ville était rassemblée comme pour le spectacle d'un grand jeu. Elle bivouaquait sous les vergers d'oliviers, les bosquets de chênes, dans la broussaille des thérébinthes. Des feux fumaient de tous les côtés."

"Angelo traversa le bois de pin. Quelques familles s'étaient installées à l'abri des arbres. Elles restaient groupées, à l'écart les unes des autres et silencieuses".

Angelo, toujours à la recherche de Guiseppe interroge les habitants, quand soudain...

"Il recommença à dire qu'il cherchait un nommé Guiseppe, mais cette fois on lui répondit  :
"Si c'est ça, c'est facile ; amène-toi. Je vais te conduire."

"Guiseppe habitait une belle hutte de roseaux (...) dès qu'Angelo passa dans la lueur des flammes, il cria de là-bas dedans :
"Ah voilà enfin le fils de sa mère ! "

"Guiseppe avait remis avec beaucoup de cérémonie à Angelo une lettre d'Italie (...) C'est de ta mère..."




Angelo et Guiseppe attablés dans les collines

Après avoir longuement conversé, ils décidèrent de rentrer en Italie chacun de son côté, Angelo passerait par le Vaucluse et la Drôme afin d'éviter la maladie, les barrages et les quarantaines.








En chemin, Angelo croise Pauline qui tente de rejoindre le domaine de Théus, près de Gap où l'attend son époux Laurent... Dorénavant, ils vont faire route ensemble...
Ils vont traverser cette Provence ravagée par le choléra et vont rapidement comprendre que leur  seule chance de survie c'est d'être solidaires...

" - Vous allez bien quelque part ?
- En principe oui. Je vais chez ma belle-soeur qui habite dans les montagnes, au dessus de Gap.
- C'est ma route, dit Angelo. Je rentre en Italie.
- Vous êtes italien ?
- Cela ne se voit pas ?"




Et l'aventure continue, il faut maintenant affronter les soldats...

" Ils firent sous bois une longue traite très rapide, prenant plusieurs chemins de traverse et même pataugeant dans l'eau d'un ruisseau pendant plus d'une demi lieue,(...) une demi heure après, ils débouchèrent en plein champ"





"Les soldats frappèrent de tranche en criant comme des rats mais Angelo leur releva vertement les lames et en quelques voltes fort habiles les plaça tous les deux à sa main. Il prit voluptueusement le temps de dire d'une voix de salon :
"Faites-moi la grâce, madame, de galoper droit devant vous. Je vais donner une petite leçon de politesse à ces jean-foutre."

Débarrassés des soldats, ils passent la nuit à l'abri des arbres. Au petit matin Pauline dort encore et Angelo veille sur elle. Il s'éloigne pour chercher de l'eau quand il entend un coup de feu :



"La jeune femme était debout, pâle comme une morte, un pistolet à la main. 
"Sur quoi avez-vous tiré ?"
Elle fit une horrible grimace de rire pendant que les larmes inondaient ses joues (...) La jeune femme soupira...
"J'ai tiré sur l'oiseau. (...) il m'a frappée du bec ici"
Elle avait, assez près de l'oeil, une petite écorchure. 
Angelo se dit : "Ce charognard avait certainement du choléra plein le bec. Est-ce que la maladie peut se transmettre de cette façon ?"Il était atterré.
Il fit boire de l'alcool à la jeune femme. (...) Il désinfecta soigneusement le petit point rouge, à la vérité peu de chose, juste la peau éraflée.
Foutons le camp, dit-il."





"Ils montèrent dans des escarpements, puis à travers une maigre forêt. Le jour était bleu sombre."



(...)"Au-delà des sapins clairsemés, la montagne se développait en pâtures déjà rousses. On apercevait aussi la ligne de crête et les arbres énormes, sans doute des hêtres qui régnaient là-haut."


 Montagne de Lure, au Pas de la Graiile, en fond, les Alpes
"Ils dominaient un labyrinthe de ravins boisés, une vaste étendue de toitures de montagnes. Ce canton avait l'air d'être un peu plus forestier que celui qu'ils venaient de traverser mais portait nulle trace de vie."


"Le chemin les promenait à travers les bois noirs et les landes pâles, les approchait lentement des grands hêtres solitaires  dont ils avaient le temps de voir monter et s'épanouir toute l'architecture barbare."



Ce que Jean Giono appelle...L'architecture barbare...

Désormais donc, ils font route ensemble, Pauline se rendra à Montjay chez Monsieur Peyrolle le notaire et grand ami de son époux, celui-ci lui apprendra que Laurent de Théus est à sa recherche. Malgré l'inconfort et le danger permanent ils iront au bout de leur quête...

"Ils arrivèrent à Montjay sur le pas de la nuit. Quelques grosses gouttes de pluie commençaient à claquer. Ils étaient fatigués."


Bientôt la quarantaine menace...

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono.

samedi 19 avril 2014

Le Hussard sur le toit... L'aventure au bout du chemin... Episode 2

"L'aube surpris Angelo béat et muet, mais réveillé. La hauteur de la colline l'avait préservé du peu de rosée qui tombe dans ce pays en été". Jean Giono - Le Hussard sur le toit

Itinéraire du Hussard sur le toit


Angelo














Si je devais définir Angelo Pardi, je dirais : Noble, fier, droit mais aussi courageux, volontaire, dévoué tenace et très intrépide, très bien élevé (par sa mère) et surtout, surtout terriblement séduisant.



Pauline















Pauline de Théus est orgueilleuse, têtue et volontaire indomptable et, d'une beauté pure, avec une grande douceur dans le regard.

"Son mince visage en fer de lance avait aux pommettes le rose d'un certain désordre "Elle est très belle" se dit Angelo. L'endroit on ce visage avait eu ces feux était resté en tache blanche dans sa mémoire".


L'immensité, la rudesse, la beauté des paysages du haut pays, la magie des mots de Jean Giono vont nous accompagner, l'aventure et au bout du chemin pour Angelo et Pauline...


 Angelo découvre le choléra aux Omergues,

"Le cheval marchait gaiment. Angelo arriva au pas de Redortiers vers les 9 heures. De là, il pouvait plonger ses regards dans la vallée ou il allait descendre. de ce côté la montagne tombait en pente raide".

"A dix heures, vous devez être à ce pas, qui s'appelle le pas de Redortiers..."

"(...) Tout autour de ces hauts parages vermeils l'horizon dormait sous les brumes noires et pourpres. La montagne tombait en pentes raides. Au fond, il pouvait voir ce hameau que le garçon d'écurie avait appelé 'Les Omergues', chose curieuse : les toits des maisons étaient couvertes d'oiseaux."
(...) Il y avait même des troupes de corbeaux par terre, autour des seuils (...) En même temps qu'une grosse flaque de corbeaux s'envolant découvrit un corps au milieu du chemin (...) C'était le cadavre d'une femme (...) Elle sentait effroyablement mauvais. Ses jupes étaient trempées d'un liquide qu'Angelo prit pour du sang. Il courut vers la maison, mais sur le seuil il fût repoussé par un véritable torrent d'oiseaux qui en sortait et l'enveloppa d'un froissement d'ailes".



Angelo et le jeune médecin français (François Cluzet dans le film)

"Pauvre petit français"


Angelo rencontre alors ce jeune médecin venu tenter de sauver les habitants malades et débusquer ceux qui se terrent.

Angelo :
"Allez-vous me dire ce qui se passe?
Comment ? dit le jeune homme, vous ne savez pas ? Mais d'où venez-vous ? C'est le choléra morbus, mon vieux. C'est le plus beau débarquement de choléra asiatique qu'on ait jamais vu !! "

Malgré les précautions prises le jeune médecin succombera à son tour au terrible mal et Angelo tentera de le sauver en vain.



Le "petit Français" apprend à Angelo à se désinfecter

"Il était lui même secoué de grands frissons nerveux, (...) il vit remuer les lèvres. IL y avait encore un souffle de voix. Angelo colla son oreille près de la bouche : "Désinfectez-vous" disait le jeune homme.
Il mourut vers le soir.
"Pauvre petit Français" dit Angelo."


Sur la route de Manosque en passant par Peyruis


Après la mort du jeune médecin français, Angelo reprend son périple à la recherche de Guiseppe son ami et frère de lait , il passe par Peyruis avec la ferme intention de rejoindre Manosque. En chemin, il fait une rencontre ...

"Dès qu'il entendit de nouveau des bruits furtifs dans les buissons, il s'arrêta et il demanda à haute voix : "y-a-t-il quelqu'un par ici ?"  Il n'y eu pas de réponse.
(...) "Puis-je rendre service à quelqu'un par ici" ?(...) "Oui, Monsieur". Angelo aussitôt alluma son briquet et une femme sortit du bois. Elle tenait deux enfants par la main.
La jeune femme expliqua qu'elle était la préceptrice des deux enfants de Monsieur de Chambon, qu'ils étaient arrivés il y avait six jours à peine  tous les trois de Paris et se rendaient au Château d'Aubignosc. (...)

Mais Aubignosc était à son tour touché par la terrible épidémie,  cette jeune demoiselle n'eut alors d'autres moyens que de fuir avec les enfants Alors, du côté de Château-Arnoux ils avaient rencontré des barrages et depuis ils erraient dans les bois alentours...

"Angelo demanda une foule de renseignements pour savoir où étaient placées ces barrières et ce qu'elles barraient" (...) L'allusion à la quarantaine lui avait fait aussi dresser les oreilles." (...)
" Je vais moi-même du côté d'Aix et je vous aiderais tant que vous ne serez pas tirés d'affaire. Rassurez-vous, poursuivit-il, je suis colonel de hussards et l'on ne viendra pas facilement à bout de nous." 

(...) "Ils quittèrent la route et traversèrent le bois."

"Nous ne devons pas être loin de Peyruis. Il y a là une gendarmerie. J'expliquerai mon cas ; Monsieur de Chambon est connu,(...) je ne peux pas continuer à courir des risques avec ces enfants dont j'ai la charge".




Isabelle Carré dans le rôle de la préceptrice

En effet devant les gendarmes le nom de Monsieur de Chambon fit son effet mais ceux-ci demeurèrent inflexibles quand à la quarantaine de trois jours.



La préceptrice et les enfants dans la quarantaine

Angelo n'a pas l'intention de subir cette quarantaine et espère entraîner dans sa fuite la jeune préceptrice et les deux enfants, celle-ci refuse de prendre le risque et reste à l'isolement.
Angelo s'évade et achète chez un aubergiste un "boggey"  bien décidé à retourner chercher l'institutrice et les enfants :

" Cette petite demoiselle, si fière et qui a tant confiance dans les gendarmes apprendra une bonne fois pour toutes que l'habit ne fait pas le moine."

Angelo revient donc sur les lieux de la quarantaine :

"Le silence était total (...) Ils dorment tous, se dit Angelo.(...) Il s'efforçait en même temps de reconnaître dans la nuit très noire, l'emplacement où devait se tenir la sentinelle.(...) Le silence de la grange était également assez surprenant
(...) Il s'avança à tâtons. Son pied rencontra un obstacle. Il se baissa et toucha des jupes.(...) C'était la petite fille, (...) Elle avait dû mourir très vite, (...) le petit garçon était un peu plus loin, cramponné dans la jeune préceptrice toute convulsée... "





"Angelo sortit du village sans rencontrer autre âme qui vive."


Le lit de la Durance entre Peyruis et Manosque
La route suivait d'assez près le lit sec de la Durance en serpentant le long d'une rangée de collines"


"Angelo arriva à Manosque à la tombée de la nuit..."

"Ici il y avait de sérieuses barricades"
"Halte, on ne passe pas. nous ne voulons personne chez nous, vous entendez, personne ! Toute résistance est inutile."

Quand il arrive à Manosque la ville semble assiégée, la maladie est déjà là. Hommes et femmes, pris de panique sont prêts à tout, il part à la recherche de Guiseppe, cordonnier à Manosque et manque de se faire massacrer par un peuple qui le prend pour un empoisonneur de fontaine :

"Il voulut se laver à la fontaine. Il avait à peine plonger les mains dans l'eau du bassin qu'il se sentit brutalement saisi aux épaules
(...) Prenez lui ses paquets de poisons, il a déjà du les jeter dans le bassin ? - Videz le bassin .
(...) C'est lui. Pendez-le ! C'est lui. Pendez-le ! A mort ! A mort !"


Alors contre cette population haineuse et apeurée et pour fuir la maladie, Angelo n'a d'autre solution que de se réfugier sur les toits de la ville.



A la tombée de la nuit, Angelo réfugié sur les toits



"A part le clocher à la cage de fer qui, un peu à gauche, dressait un corps carré, (...) il y avait encore, là bas au large, un autre clocher à toit plat surmonté d'une pique..."

"Il resta très longtemps dans une sorte de rêverie hypnotique. Il ne pouvait plus penser. Le clocher sonna. Il compta les coups. C'était onze heures."



"Le chat gris qu'il avait dérangé dans le salon, la nuit passée, mit la tête à la chatière, se glissa en dépêtrant ses pattes du trou, l'une après l'autre, et vint se frotter à lui en ronronnant.
Tu es dodu, lui dit-il en le grattant affectueusement entre les deux yeux, Qu'est-ce que tu bouffes toi ? : des oiseaux ? des pigeons ? des rats ?"




De là-haut, il observera la folie des hommes, déchaînés par la peur et la rage meurtrière à trouver un bouc émissaire à cette épidémie aveugle.

"La chaleur pétillait sur les tuiles. Le soleil n'avait plus de corps ; il était frotté comme une craie aveuglante sur tout le ciel ; les collines étaient tellement blanches qu'il n'y avait plus d'horizon."

Affamé, Angelo décide de descendre  au travers d'une lucarne dans une maison pour se ravitailler :

"Il réussit à s'arracher et à rouler à l'intérieur où il fit un assez grand bruit en tombant sur le parquet de bois."

Angelo descendit un à un les escaliers jusqu'au deuxième étage :

"A partir d'ici il y avait un tapis dans l'escalier. Quelque chose passa entre les jambes d'Angelo. Ce devait être le chat." (...) Angelo était sur la vingt et unième marche, entre le second et le premier quand, en face de lui , une brusque raie d'or encadra une porte qui s'ouvrit."




"C'était une très jeune femme. Elle tenait un chandelier à trois branches à la hauteur d'un petit visage en fer de lance encadré de lourds cheveux bruns".
"Je suis un gentilhomme, dit bêtement Angelo."
Il y eut un tout petit instant de silence et elle dit :
" Je crois que c'est exactement ce qu'il fallait dire."




"Elle tremblait si peu que les trois flammes de son chandelier étaient raides comme des pointes de fourche.
" C'est vrai dit Angelo."

Et c'est ainsi qu'Angelo rencontre Pauline dans une maison de Manosque où elle est hébergée par ses tantes, il a pénétré par une lucarne du toit dans cette maison la croyant déserte, il est affamé et espère se ravitailler...


Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono